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Madame Coulisseau a chargé son petit intérieur d’une abondante décoration inspirée de différents styles :

tarabiscoté
cucul-la- praline
baroque-Aldi
rococo-Conforama
vénitien-coiffeur
excrémentiel décadent
pompon-Pompadour
WC distinghouse
régressif polychrome
enflé poussiéreux
calendrier-salle de bains
funéraire éternellement regrettable
japo-niais
chichi-nois
gaufrette amusante
vomidurci
plumeau-confiseur

C’est une profusion de vasouillards rempliplis de fleufleurs (artificielles),
posés sur des napperonnets tout emberlificotés de tarabusnoeuds
qui recouvrent des guéridons aux papattes grêles
juponnés de rose
entortillonnés de mièvrouillons en forme de ressort et grappillons de péperles.

Aux murs sont accrochés ces tableaux :

une tapisserie grand format représentant un cerf entouré de biches dans un décor sylvestre et automnal,
un Pierrot aux grands yeux pleins d’émotion,
un clown triste,
un Poulbot larmoyant,
un portrait photographique du chien de la maison, sous verre.

Partout où c’est possible, un bibelot est exposé.

Un plien de châtre et un fien de chayence se regardent de la façon qu’on sait sous un abat-jour pomponneux.

Chaque étage du guéridon multi plateaux est tartiné d’un napperon et supporte, en guise de bougeoir, un petit pot rose-hygiène.

Admirons les souvenirs de vacances à la mer :
 la caillasse choisie parmi les galets pour sa ressemblance avec un pneu de tracteur fondu,
le coquillage collé à sa rondelle de tronc d’arbre pyrogravée.

Et voici pêle-mêle :

la soupière en biscuit de Saxe, aux anses en forme d’oreilles, semée de boutons de roses de cimetière,

le véritable caneton empaillé au duvet décoloré par zones, craqué au col,

la composition rustique qui sentait bon –épis de blé et de lavande, écorces d’orange, corde de chanvre, colombins de pâte à sel- aujourd’hui étouffée par la poussière,

la composition florale lumineuse et animée, en fibre de verre, dans son boitier de plastique,

les sets de table en forme d’une tortue hilare jonchée de charmants poussinets,

la théière marocaine surmontée de son canari en peluche,

la boule de verre, sorte d’aquarium à hublots garni d’immortelles, sur napperon en étoile,

la pantoufle « deux pieds dans le même sabot » en lapin véritable,

le joug transformé en lustre grâce à quatre abat-jours dont l’un n’éclaire point, conformément à la loi des objets rustiques transformés en luminaire qui veut que toujours au moins une ampoule soit défaillante (loi de Löptee),

le  portemanteau pour chambre d’enfant, de peluche orangée à long poil à grosse tête et à gros yeux qui font peur,

la grande Mièvrerie de sucre mou sur son socle imitation nougat,

le Tirageausort mauve, en majesté, gagné dans un concours,

la carpette en peau de tapir teinté,

le Popot grenouillâtre aux pustuloux framboiseux,

la Crépine glauque hérissée de petites merdouilles en clapotis gélatineux.

Et puis, si l’on habite un moment chez Mme Coulisseau, on s’aperçoit que cette maison très encombrée ne marche pas bien.

La clenche de la porte des WC bat la breloque, et la patère inutile dont elle est affublée va frapper le miroir également inutile accroché au mur.

Le dévidoir de papier hygiènique s’est décroché, car les chevilles sorties  du plâtre, n’espérez pas le remettre en place.

L’ouvre-boite arrache le fer dans le mauvais sens et le tire-bouchon émiette les bouchons.

Le couvercle de la poubelle, d’un mauvais format, sans cesse glisse et choit.

Une chaise de plastique a cédé sous le poids d’un convive, et le grille-pain a pris feu.

Le temps s’est arrêté. Il est définitivement six heures et demie à l’horloge de contreplaqué dont les aiguilles étaient mues par un mécanisme à piles.

Tout merdouille et rien n’est beau chez Mme Coulisseau. Pour les prochaines vacances, nous louerons ailleurs.

été 1999

 





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  • : Le blog de Nils Etienne
  • : littérature sous forme de textes courts
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keskecé?

Ci-dessus, portrait de l'auteur par Myriam Frerotova, photographe.

Vous allez trouver dans ces pages des textes courts. De la littérature sous forme de fragments n'excédant que rarement une page dactylographiée. Aphorismes, anecdotes, portraits, récits, poèmes, nouvelles, fables...Quelques uns ont été publiés en "samizdat" voici quelques années. Les amis me demandant la suite, j'ai pensé que l'Internet serait un bon moyen de la leur communiquer, et peut être d'élargir le cercle de mes lecteurs...